La réalité et l'etat des lieux de la sexualité en Tunisie
La notion de sexualité et les pratiques qui l’entourent sont universelles et ceci en dépit des origines de chacun. Cependant la diversité culturelle et religieuse génère pour chaque peuple et société des pratiques différentes qui leur sont spécifiques et des stratégies visant à contourner les interdits variées. Les relations sexuelles en Tunisie sont aussi complexes et subtiles que partout ailleurs, seulement elles sont sujettes à une pression social et religieuse et de ce fait s’expriment de manière différente comparée aux occidentaux. Sujet tabou par excellence, la sexualité en Tunisie est entourée des carcans imposés par une société conservatrice. La normalité est de mise : couples hétérosexuels et pratiques dans le cadre de la vie conjugale. La réalité est pourtant tout autre et les chiffres sont parlants.
En 2015, l’observatoire tunisien des couples et de la famille a compté 68% de femmes ayant des relations sexuelles hors mariage pour 80%d’hommes. Quant aux recherches de Habiba Turki, directrice de la médecine scolaire et universitaire dans le ministère de la santé publique, ils révèlent que 75% des 15-20 ans ont une sexualité active. Des chiffres allant à l’encontre des principes et des valeurs de ce peuple où les coutumes et les croyances sont enracinées.
La virginité inconditionnelle :
Alors qu'on ne cesse de leur dire qu’il faut s’abstenir par les interdictions religieuses (Haram) et sociales (3ib), de plus en plus de jeunes passent à l’acte, dont des jeunes filles élevées dans la conviction que le plaisir féminin est assimilable au vice et pour qui cette exigence est tout de même plus pesante.
En effet, un des points les plus importants en matière de sexualité en Tunisie et dans le monde arabe est l’attachement obsessionnel à la virginité des jeunes filles avant le mariage, d’où les stratégies de contournement de cette obligation, les ruses, les stratagèmes et les manœuvres de tromperie. C’est là où l’imagination du Tunisien entre en jeu développant les pratiques, à nos jours, connues de tous : Allant de la Sodomie ; frottis-frotta (frottement de la verge sur le clitoris sans pénétration), fellation, cunnilingus… . Officiellement, nous faisons semblant de les ignorer par hypocrisie et déni de l’évidence gênante.
Cette pression sur la pureté des femmes ne vient pas seulement des écrits religieux c’est également « un véritable sceau de garantis donnant accès au mariage ». C’est donc un aveuglement volontaire dont font preuve les tunisiens qui pour la plupart sont convaincus d’avoir épousé LA fille pure. Cet asservissement au pucelage donne suite à un phénomène maintenant diffus comme le l’affirme le Dr. Wajdi Agrebi, qui est celui de la réfection de l’hymen, l’hyménoplastie réservée le plus souvent, de par son prix, aux classes de la grande bourgeoisie n’échappant en aucun cas à la pression sociale. De ce fait en Tunisie quelques gouttes de sang font l’honneur d’une femme. Pour celles n’ayant pas accès à cette chirurgie de reconstruction durable, l’alternative est celle de l’hyménorraphie visant à rétablir l’état virginal pour quelques jours avant le mariage le plus souvent. Ces pratiques témoignent du pharisaïsme qui refuse de reconnaître l’évolution des pratiques d’une grande partie de la population.
Le mode de vie en Tunisie semble moderne et ouvert mais la réalité reflète le contraire: notre société et même nos élites se montrent tolérantes vis-à-vis de la virginité en théorie, mais quand elles sont concernées, la virginité devient une condition primordiale pour le mariage.
Les pratiques condamnées :
Pour se conformer à cette obligation sociale, d’autres pratiques ont fait surface, les mariages temporaires en font notamment partie. Les jeunes y ont recours afin de pouvoir s’adonner à l’acte sexuel tout en restant dans le cadre de l’islam et conformes aux conventions sociales.
La prostitution est également considérée comme une réelle déliquescence morale et physique, pourtant ce phénomène a augmenté d’une façon remarquable depuis la révolution s’installant dans les cités les plus ‘huppés’ de Tunis,
, une véritable industrie au pouvoir tentateur et ravageur qui prospère ces dernières années. Un sujet tabou car clandestin et interdit surtout lorsqu’il s’agit de jeunes filles, de jeunes étudiantes dans le besoin qui se voient obliger d’offrir leurs corps afin de subvenir à leurs besoins. Très peu d’études et de statistiques parlent de la prostitution des étudiantes, elle est pourtant bien présente et de nombreuses jeunes filles témoignent . Publiquement et aux yeux de tous la prostitution est synonyme d’atteinte aux bonnes mœurs , d’enrôlement et incitation à la provocation. Cela n’empêche pas d’autres manifestations de faire leur apparition et de voir le jour avec le développement des réseaux sociaux : Plusieurs annonces de rencontres amoureuses, des invitations aux rendez-vous galants et des rencontres sont organisées. Quant à la haute société, elle a recours à la prostitution des grands hôtels envahis parles filles de joie tunisiennes pratiquant alors ce qui est communément appelé prostitution de luxe et protégées alors de l’ardeur des mœurs et la police. Cette pratique a débouché des nombreuses restrictions infligées à la population tunisienne engendrant une frustration grandissante.
Sapho et Ganymède :
Si ces phénomènes et leur propagation sont en contradictions avec les traditions et l’héritage religieux, un autre fait s’est établit et la réalité de son existence fait frissonner la majorité conservatrice tunisienne, l’homosexualité. Il y aurait selon toute vraisemblance 10% de personnes homosexuelles en Tunisie, sans compter les bisexuelles. Toutefois, dans la Tunisie issue du « Printemps » de 2011, les homosexuels courent toujours le risque d’être envoyés derrière les barreaux. Ces personnes sont stigmatisées et subissent quotidiennement des discriminations dans tous les domaines s’ils sont reconnus publiquement ce qui est rarement le cas car peu d’entre eux osent l’avouer et se l’avouer avant tout. On assiste à une réelle diabolisation de l’homosexualité considérée comme de la perversion sexuelle car ce terme connote avant tout en Tunisie de pratiques sexuelles et de sentiments de désir et non d’amour. C’est également encore vu comme une maladie psychiatrique qui « devrait être soigné ». Le contexte tunisien revêt de nouveau son lot d’hypocrisie, et face aux associations de protection des droits de l’homme et de défense des gays, lesbiennes, bisexuelles il choisit de demander des comptes et envisage même leur interdire d’exercer. Ainsi le parcours d’un homosexuel en Tunisie reste celui d’un combattant. Cela commence à l'école où elles sont stigmatisées souvent pour leur seule présupposée attitude, et même de leur propre famille qui les rejette une fois au courant de ce qu'elles sont. C'est une tragédie humaine où tous les actes ont ceux d'une vraie pièce horrible de rejet, de violence et de cruauté Plusieurs d’entre eux se voient obligés de se faire soigner en prenant rendez vous chez différents psychiatres ou sexologues essayant en vain de changer ce qu’ils sont pour satisfaire la cohésion sociale. C’est un rejet, une véritable négation d’un phénomène pourtant bien présent dont fait preuve la société tunisienne qui ouvre la voie à diverses pratiques comme les mariages alibis, les mariages de convenance qui servent à dissimuler l’orientation sexuelle des partenaires.
Entre l'acte et la parole, entre le poids souvent oppressant de la tradition et les nouvelles aspirations, les jeunes tunisiens ont tendance à mener un double vie, en apparence conforme pour être accepté par l’exigeante, intransigeante et tyrannique société tunisienne. Cette sévérité et intraitabilité engendrent des frustrations insoutenables et un rapport au corps très confus.