Interview de Najma Kousri Labidi
Najma Koussri Labidi, féministe et activiste LGBT, a choisi de lutter à travers le Web pour faire accepter l’homosexualité dans la société tunisienne. Ses photos, montrant des couples de même sexe entrain de s’embrasser, ont fait le buzz sur les réseaux sociaux. Nous avons ainsi décidé de l'interviewer afin qu'elle nous éclaircisse à propos des avancées et progrès en terme de rapport à la sexualité.
Portrait d'une jeune activiste qui utilise le Web pour faire passer un message.
Pouvez-vous vous presenter , et nous parler de votre projet "Sexuality Is Not A Taboo" ?
Je m'appelle Najma Kousri Labidi , j'ai 24 ans et je suis une activiste feministe et LGBT. J'ai d'abord fait une liscence en droit public en Tunisie puis un master sur le "social change" et la "digital technology" dans le sud de la Suède. Le but de mon master était de promouvoir les libertés sexuelles et sa visée est d'établir un état des lieux concernant les droits sexuels avec comme outil principal le Web. J'ai mis au point une plateforme ou les gens peuvent intéragir sur les droits sexuels par tous les points de vue: artistique , social, politique... Et cette plateforme sera bientôt en ligne. Les photos , sont quant à elle l'affiche du master photo , et ne sont qu'une partie de mon mémoire.
Pensez vous que depuis la révolution, il y a de plus en plus de revendications quant aux libertés d'ordre sexuel?
Oui, tout à fait. La frustration , l'ouverture des medias grace à la revolution ont fait que maintenant on parle de ce tabou qu'est la sexualité et on en discute.
De plus, on a vu l'emergence de mouvements LGBT depuis la révolution, qui existaient avant mais qui n'étaient pas très presents. Cette avancée s'est articulée autour de plusieurs étapes notamment la "building capacity" (l'approche conceptuelle au développement qui met l'accent sur la compréhension des obstacles qui empêchent les gens , les gouvernements , les organisations internationales et les organisations non gouvernementales de réaliser leurs objectifs de développement tout en améliorant les capacités qui leur permettront d'obtenir des résultats mesurables et durables.) Ce travail de plusieurs années , ce ras-le-bol collectif et généralisé et le silence orchestré par les anciens regimes ont fait qu'il y a beaucoup plus de revendications.
Et avez vous constaté des avancées concernant les debats sur l'homosexualité et sur le statut de la femme en Tunisie , depuis la Révolution?
Il y a toujours des avancées , et du progrès tant qu'on en parle . Mais beaucoup de mouvements retrogrades ont vu le jour, qui pratiquent la violence contre les minorités sexuelles(homosexuels..). La loi , quant à elle est tout aussi violente , puisqu'elle incite à la violence envers les femmes , au viol ou à l'homophobie ; à l'image de la loi 230 ( qui stipule que La sodomie, est punie de l'emprisonnement pendant trois ans)
Pensez vous que le rapport à la sexualité peut évoluer en Tunisie?
Oui. Même si les chiffres ne sont pas optimistes, et indiquent plutôt que la société Tunisienne est une société schizophrène. D'après les statistiques de l'Etat 80% des hommes et 68% des femmes ont eu des relations sexuelles hors mariage, alors que la plupart rejettent l'acte sexuel hors mariage et le trouve immoral.
On constate aussi un manque flagrant de campagnes de sensibilisation a la contraception, un manque d'informations qui se traduit même pardes maladies infectieuses.
C'est un chantier qui commence mais qui avance rapidement puisque les gens parlent de plus en plus et s'expriment à ce sujet , et je pense que d'ici cinq ou dix ans on verra un réel progrès.